Semaine mondiale de l’espace : Interview de Martine CUGINI, Centre Spatial Guyanais

Interview

publié le : 04/10/2022
par : Alice ONNO
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Cette semaine (du 4 au 10 octobre) se tient la semaine mondiale de l’espace. Il s’agit d’une célébration internationale lancée par les Nations unies pour marquer la « contribution de la science et de la technologie à l’amélioration de la condition humaine ».

En 2021, la semaine de l’espace portait sur le thème des « femmes du secteur spatial », et cette année, c’est l’importance de la durabilité dans l’espace qui est mise à l’honneur.

Pour l’occasion, nous avons contacté Martine CUGINI, Responsable du Bureau Local des Compétences de l’Union des employeurs de la base spatiale (UEBS) à Kourou, avec qui nous avons grandement apprécié de travailler lors de la création du site internet de l’UEBS.

L’objectif de cette rencontre : échanger autour des deux thèmes (2021 et 2022)

  • Les femmes du secteur spatial
  • Espace et durabilité

Entretien avec Martine CUGINI

Côté Cube : 1/ Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Martine CUGINI : J’ai été embauchée en 1990 au Centre Spatial Guyanais au sein du service RH du CNES et ensuite captée par le Bureau Local des Compétences qui recherchait une expertise dans la gestion budgétaire de dossiers de subventions européennes. En 2005 j’ai été promue responsable de ce service et pour parfaire ma nouvelle fonction j’ai passé un Master en Management des Ressources Humaines. Depuis lors j’occupe toujours de poste qui me confère désormais un rôle d’experte.

CC : 2/ En quoi consiste votre métier ?

MC: En quelques mots le métier que j’exerce est un métier de manager dans la gestion des ressources humaines particulièrement dans la gestion des emplois et de la formation sur l’ensemble de la base spatiale. Par ailleurs la mission de faire connaître les métiers du spatial à de jeunes publics fait également partie intégrante de mon travail.

CC : 3/ Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), seul un travailleur de l’industrie spatiale sur cinq environ est une femme.
Etre une femme dans le secteur du spatial, plutôt réputé masculin, ça signifie quoi ?

MC: Actuellement, les femmes représentent 22 % de l’effectif global de la base spatiale . Elles occupent en grande partie des métiers dans la fonction support (administration, communication, gestion financière…). Pour les autres, à part égale, on les retrouve dans des métiers orientés maintenance industrielle, production, qualité, environnement…Toutes catégories confondues elles occupent plutôt des postes qui vont d’un bac +2 à bac +5.

Au niveau de mon service, lors de la présentation des métiers à destination de la jeunesse, nous orientons les collégiennes ou lycéennes vers des métiers réputés occupés par des garçons. L’industrie du spatial est une filière où l’emploi des femmes reste possible et ce, quelles que soient les compétences détenues. On les retrouve dans les métiers de la conception, des essais, de l’industrialisation, de la fabrication/assemblage/maintenance, de la qualité, des achats, de la logistique et bien d’autres…

Personnellement, je pense que la mixité dans les équipes permet d’équilibrer, de varier et diversifier les compétences ; c’est aussi un gage de performance pour l’entreprise. Les missions qu’elles sont amenées à remplir peuvent s’avérer difficiles mais c’est une excellente occasion de prouver et faire admettre leur expertise, leur talent. En fait il ne faut jamais baisser les bras !

CC : 4/ Cette année marque l’ouverture du Bac pro Aéronautique option Lanceurs de fusées en apprentissage en Guyane. Peut-on espérer plus de guyanais dans ce secteur ?

MC : C’est ce que j’espère vraiment ! Ouvrir ce diplôme aux jeunes filles est vrai challenge et il ne faudra pas s’en priver ! Pour l’instant, je crois que la première promo se fait avec 7 jeunes admis à suivre ce cursus.

C’est une belle opportunité de formation en Guyane, et il semblerait qu’un diplôme bac+1 pourrait être envisagé. L’industrie du spatial a besoin de cette compétence ici !

CC: 5/ Le thème choisi pour la semaine de l’espace 2022 est « Espace et durabilité ». Comment l’espace peut aider à la mise en place du développement durable sur terre ?

MC : Bien qu’éloignée de cette thématique il n’en demeure pas moins qu’en travaillant sur un centre de lancement européen, on est amené à suivre les actualités qui circulent tout autour de nous.

Les satellites mis en orbite contribuent dans une grande majorité à répondre aux grands défis de la planète Terre et ouvrent des champs multiples de recherches dans le domaine de l’environnement, du climat de l’écologie…

Les travaux qui en découlent ne font que commencer et nous amènerons sûrement à repenser notre interaction avec la Terre.

CC: 6/ On parle aussi de la durabilité DANS l’espace, aujourd’hui de nombreux débris et satellites amènent à la réflexion. Des solutions sont-elles prévues ?

MC : C’est vrai que le ramassage des déchets dans l’espace reste un vrai sujet mais sachez que c’est la France, la première, en 2010 qui a voté la L.O.S (Loi sur les Opérations Spatiales).: « Elle oblige les opérateurs à faire rentrer leurs objets au bout de 25 ans en orbite »

J’imagine que d’autres projets sont en cours d’étude dans ce domaine.

Au CSG, l’environnement prend toute sa dimension. On est très vigilants et des équipes sont dédiées à la protection de l’environnement de notre territoire.

Il y a d’abord la surveillance des effets de pollutions qui font suite aux lancements.

La protection de la faune autour de la base est également très importante pour nous. D’ailleurs, une étude récente montre que la faune présente sur l’espace de la base spatiale (plus de 700 km²) est extrêmement présente et bien préservée. Cela est notamment dû aux mesures de sécurité et de contrôle d’accès de la base : la biodiversité du site s’en est vue renforcée. On est comme sur une sorte de « parc naturel » grâce aux mesures d’interdiction du port d’armes et d’interdiction de captation d’animaux et végétaux. Certains animaux sont même plus présents sur la base qu’aux alentours.

Ce mode de cohabitation et de respect de son environnement montre bien l’importance de la faune guyanaise pour le spatial.

Au CSG, nous sommes également précurseurs en Guyane sur toute une ligne de conduite : réduction des déchets, « zéro papier », économies d’énergies… Ce sont des automatismes que doivent avoir les salariés de la base. Il est important aujourd’hui que tout le monde participe à la préservation de notre espace de vie et de travail !

Note de l’auteur : Pour en savoir plus sur la biodiversité autour de la base spatiale : https://www.youtube.com/watch?v=y-chcQY4yAE

CC : 7/ Un dernier mot ?

MC : L’espace et les activités qui s’y rattachent continuent bien évidemment à faire rêver. Passer du rêve à la réalité reste du domaine du possible moyennant qu’on s’en donne la peine.

D’autres, comme moi ont eu l’opportunité de rejoindre les équipes du CSG, (une base de lancement mondialement connue) sans toutefois en mesurer la chance.

Aujourd’hui je dois avouer que côtoyer des équipes opérationnelles, mesurer la complexité de cette organisation et voir chaque fois une fusée décoller et réussir sa mission c’est plus qu’impressionnant : c’est magique !

On s’aperçoit dans ces moments là qu’on fait partie d’une seule et même famille.

CC : Merci beaucoup pour votre temps et pour cet échange très enrichissant !

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